I
Corps de femme, blanches collines, cuisses blanches,
l'attitude du don te rend pareil au monde.
Mon corps de laboureur sauvage, de son soc
a fait jaillir le fils du profond de la terre.
je fus comme un tunnel. Dιsertι des oiseaux,
la nuit m'envahissait de toute sa puissance.
pour survivre j'ai dϋ te forger comme une arme
et tu es la flθche ΰ mon arc, tu es la pierre dans ma fronde.
Mais passe l'heure de la vengeance, et je t'aime.
Corps de peau et de mousse, de lait avide et ferme.
Ah! le vase des seins! Ah! les yeux de l'absence!
ah! roses du pubis! ah! ta voix lente et triste!
Corps de femme, je persisterai dans ta grβce.
Τ soif, dιsir illimitι, chemin sans but!
Courants obscurs oω coule une soif ιternelle
et la fatigue y coule, et l'infinie douleur.
II
La lumiθre t'enrobe en sa flamme mortelle.
Et pensive, pβle et dolente, tu t'appuies
contre le crιpuscule et ses vieilles hιlices
tournant autour de toi.
Muette, mon amie,
ΰ cette heure des morts seule en la solitude,
emplie du feu vivant,
du jour dιtruit pure hιritiθre.
Sur le noir de ta robe une grappe du jour,
et de la nuit les immenses racines
ont poussι d'un seul coup ΰ partir de ton βme,
ce qui se cache en toi s'en retourne au dehors.
Un peuple pβle et bleu ainsi s'en alimente
et c'est de toi qu'il vient de naξtre.
Τ grandiose et fιconde et magnιtique esclave
de ce cercle alternant le noir et le dorι
dressιe, tente et parfais ta vive crιation
jusqu'ΰ la mort des fleurs. Qu'en elle tout soit triste.
III
Immensitι des pins, rumeur brisιe des vagues,
contre le crιpuscule et ses vieilles hιlices
crιpuscule tombant sur tes yeux de poupιe,
coquillage terrestre, en toi la terre chante!
En toi chantent les fleuves et sur eux fuit mon βme
comme tu le dιsires et vers oω tu le veux.
Trace-moi le chemin sur ton arc d'espιrance
que je lβche en dιlire une volιe de flθches.
Je vois autour de moi ta ceinture de brume,
mes heures poursuivies traquιes par ton silence,
c'est en toi, en tes bras de pierre transparente
que mes baisers se sont ancrιs, au nid de mon dιsir humide.
Ah! ta voix de mystθre que teinte et plie l'amour
au soir retentissant et qui tombe en mourant!
Ainsi ΰ l'heure sombre ai-je vu dans les champs
se plier les ιpis sous la bouche du vent.
IV
C'est le matin plein de tempκte
au coeur de l'ιtι.
Mouchoirs blancs de l'adieu, les nuages voltigent,
et le vent les secoue de ses mains voyageuses.
Innombrable, le coeur du vent
bat sur notre amoureux silence.
Orchestral et divin, bourdonnant dans les arbres,
comme une langue emplie de guerres et de chants.
Vent, rapide voleur qui enlθve les feuilles,
et dιviant la flθche battante des oiseaux,
les renverse dans une vague s'ans ιcume,
substance devenue sans poids, feux qui s'inclinent.
Volume de baisers englouti et brisι
que le vent de l'ιtι vient combattre ΰ la porte.
V
Pour que tu m'entendes
mes mots
parfois s'amenuisent
comme la trace des mouettes sur la plage.
Collier, grelot ivre
pour le raisin de tes mains douces.
Mes mots je les regarde et je les vois lointains.
Ils sont ΰ toi bien plus qu'ΰ moi.
Sur ma vieille douleur ils grimpent comme un lierre.
Ils grimpent sur les murs humides.
Et de ce jeu sanglant tu es seule coupable.
Ils sont en train de fuir de mon repaire obscur.
Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli.
C'est eux qui ont peuplι le vide oω tu t'installes,
ma tristesse est ΰ eux plus qu'ΰ toi familiθre.
Ils diront donc ici ce que je veux te dire,
et entends-les comme je veux que tu m'entendes.
Habituel, un vent angoissι les traξne encore
et parfois l'ouragan des songes les renverse.
Tu entends d'autres voix dans ma voix de douleur.
Pleurs de lθvres anciennes, sang de vieilles suppliques.
Ma compagne, aime-moi. Demeure lΰ. Suis-moi.
Ma compagne, suis-moi, sur la vague d'angoisse.
Pourtant mes mots prennent couleur de ton amour.
Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli.
Je fais de tous ces mots un collier infini
pour ta main blanche et douce ainsi que les raisins
VI
Je me souviens de toi telle que tu ιtais en ce dernier automne :
un simple bιret gris avec le coeur en paix.
Dans tes yeux combattaient les feux du crιpuscule.
Et les feuilles tombaient sur les eaux de ton βme.
Enroulιe ΰ mes bras comme un volubilis,
les feuilles recueillaient ta voix lente et paisible.
Un bϋcher de stupeur oω ma soif se consume.
Douce jacinthe bleue qui se tord sur mon βme.
je sens tes yeux qui vont et l'automne est distant :
bιret gris, cris d'oiseau, coeur oω l'on est chez soi
et vers eux ιmigraient mes dιsirs si profonds
et mes baisers tombaient joyeux comme des braises.
Le ciel vu d'un bateau. Les champs vus des collines :
lumiθre, ιtang de paix, fumιe, ton souvenir.
Au-delΰ de tes yeux brϋlaient les crιpuscules.
Sur ton βme tournaient les feuilles de l'automne.
VII
Inclinι sur les soirs je jette un filet triste
sur tes yeux d'ocιan.
Lΰ, brϋle ιcartelιe sur le plus haut bϋcher,
ma solitude aux bras battants comme un noyι.
Tes yeux absents, j'y fais des marques rouges
et ils ondoient comme la mer au pied d'un phare.
Ma femelle distante, agrippιe aux tιnθbres,
de ton regard surgit la cτte de l'effroi.
Inclinι sur les soirs je jette un filet triste
sur la mer qui secoue tes grands yeux d'ocιan.
Les oiseaux de la nuit picorent les ιtoiles
qui scintillent comme mon βme quand je t'aime.
Et la nuit galopant sur sa sombre jument
ιparpille au hasard l'ιpi bleu sur les champs.
VIII
Abeille blanche, ivre de miel, toi qui bourdonnes dans mon βme,
tu te tords en lentes spirales de fumιe.
je suis le dιsespιrι, la parole sans ιcho,
celui qui a tout eu, et qui a tout perdu.
Derniθre amarre, en toi craque mon anxiιtι derniθre.
En mon dιsert tu es la rose ultime.
Ah ! silencieuse !
Ferme tes yeux profonds. La nuit y prend son vol.
Ah! dιnude ton corps de craintive statue.
Tu as des yeux profonds oω la nuit bat des ailes.
Et de frais bras de fleur et un giron de rose.
Et tes seins sont pareils ΰ des escargots blancs.
Un papillon de nuit dort posι sur ton ventre.
Ah! silencieuse !
Voici la solitude et tu en es absente.
Il pleut. Le vent de mer chasse d'errantes mouettes.
L'eau marche les pieds nus par les routes mouillιes.
Et la feuille de l'arbre geint, comme un malade.
Abeille blanche, absente, en moi ton bourdon dure.
Tu revis dans le temps, mince et silencieuse.
Ah ! silencieuse !
IX
Ivre de longs baisers, ivre des tιrιbinthes,
je dirige, estival, le voilier des roses,
me penchant vers la mort de ce jour si tιnu,
cimentι dans la frιnιsie ferme de la mer.
Blafard et amarrι ΰ mon eau dιvorante
croisant dans l'aigre odeur du climat dιcouvert,
encore revκtu de gris, de sons amers,
et d'un triste cimier d'ιcume abandonnιe.
Je vais, dur, passionnι, sur mon unique vague,
lunaire, brusque, ardent et froid, solaire,
et je m'endors d'un bloc sur la gorge des blanches
ξles fortunιes, douces comme des hanches fraξches.
Mon habit de baisers tremble en la nuit humide
follement agitι d'ιlectriques dιcharges,
d'hιbraοque faηon divisι par des songes
l'ivresse de la rose en moi s'est dιployιe.
En remontant les eaux, dans les vagues externes,
ton corps jumeau et qui se soumet dans mes bras
comme un poisson sans fin s'est collι ΰ mon βme
rapide et lent dans cette ιnergie sous les cieux.
X
Nous avons encore perdu ce crιpuscule
Et nul ne nous a vus ce soir les mains unies
pendant que la nuit bleue descendait sur le monde.
J'ai vu de ma fenκtre
la fκte du couchant sur les coteaux lointains
Parfois, ainsi qu'une mιdaille
s'allumait un morceau de soleil dans mes mains.
Et je me souvenais de toi le coeur serrι
triste de la tristesse ΰ moi que tu connais.
Oω ιtais-tu alors ?
Et parmi quelles gens ?
Quels mots prononηais-tu ?
Pourquoi peut me venir tout l'amour d'un seul coup,
lorsque je me sens triste et te connais lointaine ?
Le livre a chu qu'on prend toujours au crιpuscule,
ma cape, chien blessι, ΰ mes pieds a roulι.
Tu t'ιloignes toujours et toujours dans le soir
vers oω la nuit se hβte effaηant les statues.
XI
Presque en dehors du ciel, ancre entre deux montagnes,
le croissant de la lune.
Tournante, errante nuit, terrassiθre des yeux,
pour compter les ιtoiles dans la mare, en morceaux.
Elle est la croix de deuil entre mes sourcils, elle fuit.
Forge de mιtaux bleus, nuits de lutte cachιe,
tourne mon coeur, et c'est un volant fou.
Fille venue de loin, apportιe de si loin,
son regard est parfois un ιclair sous le ciel.
Incessante complainte et tempκte tourbillonnant dans sa furie,
au-dessus de mon coeur passe sans t'arrκter.
Dιtruis, disperse, emporte, τ vent des sιpultures, ta racine assoupie.
De l'autre cτtι d'elle arrache les grands arbres.
Mais toi, ιpi, question de fumιe, fille claire.
La fille nιe du vent et des feuilles illuminιes.
Par-delΰ les montagnes nocturnes, lis blanc de l'incendie
ah! je ne peux rien dire ! De toute chose elle ιtait faite.
Couteau de l'anxiιtι qui partagea mon cœur
c'est l'heure de cheminer, sur un chemin sans son sourire.
Tempκte, fossoyeur des cloches, trouble et nouvel essor de la tourmente,
Pourquoi la toucher, pourquoi l'attrister maintenant.
Ah! suivre le chemin qui s'ιloigne de tout,
que ne fermeront pas la mort, l'hiver, l'angoisse
avec leurs yeux ouverts au coeur de la rosιe
XII
ΐ mon coeur suffit ta poitrine,
mes ailes pour ta libertι.
De ma bouche atteindra au ciel
tout ce qui dormait sur ton βme.
En toi l'illusion quotidienne.
Tu viens, rosιe sur les corolles.
Absente et creusant l'horizon
Tu t'enfuis, ιternelle vague.
je l'ai dit : tu chantais au vent
comme les pins et les mβts des navires.
Tu es haute comme eux et comme eux taciturne.
Tu t'attristes soudain, comme fait un voyage.
Accueillante, pareille ΰ un ancien chemin.
Des ιchos et des voix nostalgiques te peuplent.
ΐ mon rιveil parfois ιmigrent et s'en vont
des oiseaux qui s'ιtaient endormis dans ton βme.
XIII
J'ai marquι peu ΰ peu l'atlas blanc de ton corps
avec des croix de flamme.
Ma bouche, une araignιe qui traversait, furtive.
En toi, derriθre toi, craintive et assoiffιe.
Histoires ΰ te raconter sur la berge du crιpuscule
douce et triste poupιe, pour chasser ta tristesse.
Quelque chose, arbre ou cygne, qui est lointain, joyeux.
Et le temps des raisins, mϋr et porteur de fruits.
J'ai vιcu dans un port et de lΰ je t'aimais.
Solitude oω passaient le songe et le silence.
Enfermι, enfermι entre mer et tristesse.
Silencieux, dιlirant, entre deux statues de gondoliers.
Entre les lθvres et la voix, quelque chose s'en va mourant.
Ailι comme l'oiseau, c'est angoisse et oubli.
Tout comme les filets ne retiennent pas l'eau.
Il ne reste, poupιe, que des gouttes qui tremblent.
Pourtant un chant demeure au coeur des mots fugaces.
Un chant, un chant qui monte ΰ mes lθvres avides.
Pouvoir te cιlιbrer partout les mots de joie.
Chanter, brϋler, s'enfuir, comme un clocher aux mains d'un fou.
Que deviens-tu soudain, τ ma triste tendresse ?
J'atteins le plus hardi des sommets, le plus froid,
et mon coeur se referme ainsi la fleur nocturne.
XIV
Ton jouet quotidien c'est la clartι du monde.
Visiteuse subtile, venue sur l'eau et sur la fleur.
Tu passas la blancheur de ce petit visage que je serre
entre mes mains, comme une grappe, chaque jour.
Et depuis mon amour tu es sans ressemblance.
Laisse-moi t'allonger sur des guirlandes jaunes.
Qui a ιcrit ton nom en lettres de fumιe au coeur des ιtoiles du sud ?
Ah! laisse-moi te rappeler celle que tu ιtais alors,
quand tu n'existais pas encore.
Mais un vent soudain hurle et frappe ΰ ma fenκtre.
Le ciel est un filet rempli d'obscurs poissons.
Ici viennent frapper tous les vents, ici, tous.
La pluie se dιshabille.
Les oiseaux passent en fuyant.
Le vent. Le vent.
Je ne peux que lutter contre la force humaine.
Et la tempκte a fait un tas des feuilles sombres
et dιtachι toutes les barques qu'hier soir amarra dans le ciel.
Mais toi tu es ici. Mais toi tu ne fuis pas.
Toi tu me rιpondras jusqu'ΰ l'ultime cri.
Blottis-toi prθs de moi comme si tu craignais.
Mais parfois dans tes yeux passait une ombre ιtrange.
Maintenant, maintenant aussi, mon petit, tu m'apportes des chθvrefeuilles, ils parfument jusqu'ΰ tes seins.
Quand le vent triste court en tuant des papillons
moi je t'aime et ma joie mord ta bouche de prune.
Qu'il t'en aura coϋtι de t'habituer ΰ moi,
ΰ mon βme seule et sauvage, ΰ mon nom qui les fait tous fuir.
Tant de fois, nous baisant les yeux, nous avons vu brϋler l'ιtoile
et se dιtordre sur nos tκtes les ιventails tournants des
crιpuscules.
Mes mots pleuvaient sur toi ainsi que des caresses.
Depuis longtemps j'aimai ton corps de nacre et de soleil.
L'univers est ΰ toi, voilΰ ce que je crois.
Je t'apporterai des montagnes la joie en fleur des copihuιs
avec des noisettes noires, des paniers de baisers sylvestres.
Je veux faire de toi
ce que fait le printemps avec les cerisiers.
XV
Ton silence m'enchante et ce semblant d'absence
quand tu m'entends de loin, sans que ma voix t'atteigne.
On dirait que tes yeux viennent de s'envoler,
on dirait qu'un baiser t'a refermι la bouche.
Comme tout ce qui est est empli de mon βme
tu ιmerges de tout, pleine de l'βme mienne.
Papillon inventι, tu ressembles ΰ mon βme,
tu ressembles aussi au mot mιlancolie.
Ton silence m'enchante et cet air d'κtre loin.
Tu te plains, dirait-on, roucoulant papillon.
Et tu m'entends de loin, sans que ma voix t'atteigne
laisse-moi faire silence dans ton silence.
Laisse-moi te parler aussi par ton silence
simple comme un anneau et clair comme une lampe.
Tu es comme la nuit, constellιe, silencieuse.
Ton silence est d'ιtoile, aussi lointain et simple.
J'aime quand tu te tais car tu es comme absente.
Comme si tu mourrais, distante et douloureuse.
Il ne faut qu'un sourire, et un seul mot suffit
ΰ me rendre joyeux : rien de cela n'ιtait.
XVI
Paraphrase de Rabindranath Tagore.
Tu es au crιpuscule un nuage dans mon ciel,
ta forme, ta couleur sont comme je les veux.
Tu es mienne, tu es mienne, ma femme ΰ la lθvre douce
et mon songe infini s'ιtablit dans ta vie.
La lampe de mon coeur met du rose ΰ tes pieds
et mon vin d'amertume est plus doux sur tes lθvres,
moissonneuse de ma chanson crιpusculaire,
tellement mienne dans mes songes solitaires
Tu es mienne, tu es mienne, et je le crie dans la brise
du soir, et le deuil de ma voix s'en va avec le vent.
Au profond de mes yeux tu chasses, ton butin
stagne comme les eaux de ton regard de nuit.
Tu es prise au filet de ma musique, amour,
aux mailles de mon chant larges comme le ciel.
Sur les bords de tes yeux de deuil mon βme est nιe.
Et le pays du songe avec ces yeux commence.
XVII
En pensant, en prenant des ombres au filet dans la solitude
profonde.
Toi aussi tu es loin, bien plus loin que personne.
Penseur, lβcheur d'oiseaux, images dissipιes
et lampes enterrιes.
Clocher de brumes, comme tu es loin, tout lΰ-haut !
Ιtouffant le gιmir,
taciturne meunier de la farine obscure de l'espoir,
la nuit s'en vient ΰ toi, rampant, loin de la ville.
Ta prιsence a changι et m'est chose ιtrangθre.
Je pense, longuement je parcours cette vie avant toi.
Ma vie avant personne, ma vie, mon βpre vie.
Le cri face ΰ la mer, le cri au coeur des pierres,
en courant libre et fou, dans la buιe de la mer.
Cri et triste furie, solitude marine.
Emballι, violent, ιlancι vers le ciel.
Toi, femme, qu'ιtais-tu alors ? Quelle lame, quelle branche
de cet immense ιventail ? Aussi lointaine qu'ΰ prιsent.
Incendie dans le bois ! Croix bleues de l'incendie.
Brϋle, brϋle et flamboie, pιtille en arbres de lumiθre.
Il s'ιcroule et crιpite. Incendie, incendie.
Blessιe par des copeaux de feu mon βme danse.
Qui appelle? Quel silence peuplι d'ιchos ?
Heure de nostalgie, heure de l'allιgresse, heure de solitude,
heure mienne entre toutes !
Trompe qui passe en chantant dans le vent.
Tant de passion des pleurs qui se noue ΰ mon corps.
Toutes racines secouιes,
toutes les vagues ΰ l'assaut !
Et mon βme roulait, gaie, triste, interminable.
Pensιes et lampes enterrιes dans la profonde solitude.
Qui es-tu toi, qui es-tu ?
XVIII
Ici je t'aime.
Dans les pins obscurs le vent se dιmκle.
La lune resplendit sur les eaux vagabondes.
Des jours ιgaux marchent et se poursuivent.
Le brouillard en dansant qui dιnoue sa ceinture.
Une mouette d'argent du couchant se dιcroche.
Une voile parfois. Haut, trθs haut, les ιtoiles.
Τ la croix noire d'un bateau.
Seul.
Le jour parfois se lθve en moi, et mκme mon βme est humide.
La mer au loin sonne et rιsonne.
Voici un port.
Ici je t'aime.
Ici je t'aime. En vain te cache l'horizon.
Tu restes mon amour parmi ces froides choses.
Parfois mes baisers vont sur ces graves bateaux
qui courent sur la mer au but jamais atteint.
Suis-je oubliι dιjΰ comme ces vieilles ancres.
Abordι par le soir le quai devient plus triste.
Et ma vie est lassιe de sa faim inutile.
J'aime tout ce que je n'ai pas. Et toi comme tu es loin.
Mon ennui se dιbat dans les lents crιpuscules.
Il vient pourtant la nuit qui chantera pour moi.
La lune fait tourner ses rouages de songe.
Avec tes yeux me voient les ιtoiles majeures.
Pliιs ΰ mon amour, les pins dans le vent veulent
chanter ton nom avec leurs aiguilles de fer.
XIX
Fille brune, fille agile, le soleil qui fait les fruits,
qui alourdit les blιs et tourmente les algues,
a fait ton corps joyeux et tes yeux lumineux
et ta bouche qui a le sourire de l'eau.
Noir, anxieux, un soleil s'est enroulι aux fils
de ta criniθre noire, et toi tu ιtires les bras.
Et tu joues avec lui comme avec un ruisseau,
qui laisse dans tes yeux deux sombres eaux dormantes.
Fille brune, fille agile, rien ne me rapproche de toi.
Tout m'ιloigne de toi, comme du plein midi.
Tu es la dιlirante enfance de l'abeille,
la force de l'ιpi, l'ivresse de la vague.
Mon coeur sombre pourtant te cherche,
J'aime ton corps joyeux et ta voix libre et mince.
Τ mon papillon brun, doux et dιfinitif,
tu es blιs et soleil eau et coquelicot.
XX
Je peux ιcrire les vers les plus tristes cette nuit.
Ιcrire, par exemple : " La nuit est ιtoilιe
et les astres d'azur tremblent dans le lointain. "
Le vent de la nuit tourne dans le ciel et chante.
Je puis ιcrire les vers les plus tristes cette nuit.
Je l'aimais, et parfois elle aussi elle m'aima.
Les nuits comme cette nuit, je l'avais entre mes bras.
Je l'embrassai tant de fois sous le ciel, ciel infini.
Elle m'aima, et parfois moi aussi je l'ai aimιe.
Comment n'aimerait-on pas ses grands yeux, ses grands yeux fixes.
Je peux ιcrire les vers les plus tristes cette nuit.
Penser que je ne l'ai pas. Regretter l'avoir perdue.
Entendre la nuit immense, et plus immense sans elle.
Et le vers tombe dans l'βme comme la rosιe dans l'herbe.
Qu'importe que mon amour n'ait pas pu la retenir.
La nuit est pleine d'ιtoiles, elle n'est pas avec moi.
Voilΰ tout. Au loin on chante. C'est au loin.
Et mon βme est mιcontente parce que je l'ai perdue.
Comme pour la rapprocher, c'est mon regard qui la cherche.
Et mon coeur aussi la cherche, elle n'est pas avec moi.
Et c'est bien la mκme nuit qui blanchit les mκmes arbres.
Mais nous autres, ceux d'alors, nous ne sommes plus les mκmes.
je ne l'aime plus, c'est vrai. Pourtant, combien je l'aimais.
Ma voix appelait le vent pour aller ΰ son oreille.
ΐ un autre. A un autre elle sera. Ainsi qu'avant mes baisers.
Avec sa voix, son corps clair. Avec ses yeux infinis.
je ne l'aime plus, c'est vrai, pourtant, peut-κtre je l'aime.
Il est si bref l'amour et l'oubli est si long.
C'ιtait en des nuits pareilles, je l'avais entre mes bras
et mon βme est mιcontente parce que je l'ai perdue.
Mκme si cette douleur est la derniθre par elle
et mκme si ce poθme est les derniers vers pour elle.
UNE CHANSON DΙSESPΙRΙE
Ton souvenir surgit de la nuit oω je suis.
La riviθre ΰ la mer noue sa plainte obstinιe.
Abandonnι comme les quais dans le matin.
C'est l'heure de partir, τ toi l'abandonnι !
Des corolles tombant, pluie oi e sur mon coeur.
Τ sentine de dιcombres, grotte fιroce au naufragι !
En toi se sont accumulιs avec les guerres les envols.
Les oiseaux de mon chant de toi prirent essor.
Tu as tout englouti, comme fait le lointain.
Comme la mer, comme le temps. Et tout en toi fut un naufrage !
De l'assaut, du baiser c'ιtait l'heure joyeuse.
lueur de la stupeur qui brϋlait comme un phare.
Anxiιtι de pilote et furie de plongeur aveugle,
trouble ivresse d'amour, tout en toi fut naufrage !
Mon βme ailιe, blessιe, dans l'enfance de brume.
Explorateur perdu, tout en toi fut naufrage !
Tu enlaηas la douleur, tu t'accrochas au dιsir.
La tristesse te renversa et tout en toi fut un naufrage !
Mais j'ai fait reculer la muraille de l'ombre,
j'ai marchι au-delΰ du dιsir et de l'acte.
Τ ma chair, chair de la femme aimιe, de la femme perdue,
je t'ιvoque et je fais de toi un chant ΰ l'heure humide.
Tu reηus l'infinie tendresse comme un vase,
et l'oubli infini te brisa comme un vase.
Dans la noire, la noire solitude des ξles,
c'est lΰ, femme d'amour, que tes bras m'accueillirent.
C'ιtait la soif, la faim, et toi tu fus le fruit.
C'ιtait le deuil, les ruines et tu fus le miracle.
Femme, femme, comment as-tu pu m'enfermer
dans la croix de tes bras, la terre de ton βme.
Mon dιsir de toi fut le plus terrible et le plus court,
le plus dιsordonnι, ivre, tendu, avide.
Cimetiθre de baisers, dans tes tombes survit le feu,
et becquetιe d'oiseaux la grappe brϋle encore.
Τ la bouche mordue, τ les membres baisιs,
τ les dents affamιes, τ les corps enlacιs.
Furieux accouplement de l'espoir et l'effort
qui nous noua tous deux et nous dιsespιra.
La tendresse, son eau, sa farine lιgθre.
Et le mot commencι ΰ peine sur les lθvres.
Ce fut lΰ le destin oω allait mon dιsir,
oω mon dιsir tomba, tout en toi fut naufrage!
Τ sentine de dιcombres, tout est retombι sur toi,
toute la douleur tu l'as dite et toute la douleur t'ιtouffe.
De tombe en tombe encore tu brϋlas et chantas.
Debout comme un marin ΰ la proue d'un navire.
Et tu as fleuri dans des chants, tu t'es brisι dans des courants.
Τ sentine de dιcombres, puits ouvert de l'amertume.
Plongeur aveugle et pβle, infortunι frondeur,
explorateur perdu, tout en toi fut naufrage !
C'est l'heure de partir, c'est l'heure dure et froide
que la nuit toujours fixe ΰ la suite des heures.
La mer fait aux rochers sa ceinture de bruit.
Froide l'ιtoile monte et noir l'oiseau ιmigre.
Abandonnι comme les quais dans le matin.
Et seule dans mes mains se tord l'ombre tremblante.
Oui, bien plus loin que tout. Combien plus loin que tout.
C'est l'heure de partir. Τ toi l'abandonnι.
2 σχόλια:
Αχ και να ήξερα αυτήν την μαγική γλώσσα που έγραψε αυτός ο θεΐκός ποιητής!
Καλησπερίζω!
Kαλημέρα
μα ακομα σε όποια γλώσσα κι αν διαβάσει κανείς ποιήματα του,
αγγίζουν το ίδιο πολύ , το ίδιο βαθιά!
σε ευχαριστώ !
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